Lors d’une dégustation nous passons par plusieurs sens et parfois plusieurs fois au cours de cette même dégustation.
La première étape d’une dégustation est visuelle.
Elle consiste à admirer le packaging (parfois trompeur, car nous sommes dans une société de consommation et les marques le savent bien! Alors parfois elles rajoutent des mentions aguicheuses pour nous attirer, susciter notre curiosité et nous inciter à passer à la caisse) Néanmoins cette première étape est très importante, car elle vous permettra de recueillir les premières informations sur ce que vous vous apprêtez à déguster.
Il convient de repérer certaines informations importantes, comme la matière première utilisée, la distillerie, l’appareil de distillation utilisé, la date de distillation, la date de mise en bouteille, si c’est un blend ou un single cask, s’il y a eu réduction ou non, type de fûts utilisés, vieillissement tropical ou continental et pléthore d’autres informations que l’embouteilleur souhaite porter à notre connaissance.
Mais attention, je le répète, tout n’est pas bon à prendre! Il vous faudra parfois faire des recherches supplémentaires pour savoir si une information est utile ou non.
Quelques exemples:
L’information « sans filtration à froid », pullule sur nombres de bouteilles, dans 90 % des cas embouteillées à plus de 46°. Sauf qu’à partir de ce degré d’alcool, les acides gras, esters et protéines que la filtration à froid supprime, se dissolvent d’eux-mêmes. Donc cette information n’a d’importance qu’en dessous de ce degré d’embouteillage.
Le compte d’âge. Un 10 ans d’âge vieilli sous un climat tropical, n’aura rien à voir avec un 10 ans vieilli en Europe. Quand on sait que la part des anges est au minimum 3 fois plus élevée sous un climat tropical, inutile de vous faire un dessin! Il convient également de savoir si le vieillissement a eu lieu selon la technique de la Solera ou a bénéficié d’un vieillissement dans un chai climatisé.
Parfois, vous trouverez sur l’étiquette ou la contre étiquette, une note de dégustation du maitre de chai. Lisez-là, ça peut aider.
La deuxième étape est le choix du verre.
Pour une dégustation, le choix du verre est très important. Allons-y par étape!
Premièrement, oubliez les gobelets en plastique, lol. Il existe de nombreux types de verres conçus pour une utilisation particulière, coupe ou flute à champagne, verre à vin, verre à cocktail, verre à bière, verre à whisky…Je ne vais pas vous faire la liste de tous les verres, mais plutôt vous orienter sur les 5 verres qui ont ma préférence et que j’utilise au quotidien.
Number one and the best for me:
Le verre ambient chef & sommelier.
Le verre passe partout. Il répond aux trois critères importants que doit avoir un verre à dégustation pour accueillir notre rhum dans les meilleures conditions.
1-Il possède un pied. Ce qui permet une bonne prise en main.
2- Il possède des parois suffisamment larges, permettant au rhum de se structurer et aux arômes de s’exprimer.
3-Et enfin, il possède une cheminée étroite permettant la concentration des arômes. Les arômes étant volatiles, cela permet à votre nez de les attraper plus facilement avant qu’ils ne se dispersent dans la pièce. Cela permettra également à l’alcool de ne pas vous bruler les narines.
Le Glencairn.
Il reste efficace pour une dégustation pleine de promesses et rempli les mêmes critères que le C&S ambient. Petit bémol pour moi, il possède un pied court et imposant que je trouve moins pratique. Les parois sont plus étroites, ce qui ne permet pas aux arômes de s’échapper du liquide dans les meilleures conditions. Il possède toutefois un avantage considérable par rapport aux autres lors de déplacements. Sa petite taille et, pour le coup, son petit pied passeront plus facilement l’épreuve de la casse dans la valise ou le sac de transport.
Le warm.
Avec ses parois très larges, le warm laisse beaucoup de place aux arômes pour s’exprimer…un peu trop de place à mon goût. Bien qu’il possède une cheminée qui se rétrécie progressivement, pour concentrer les arômes, celle-ci est pour le coup, trop large et trop courte à mon goût.
Le noising glass classic.
Le noising glass pourrait être vu comme le petit frère du C&S ambient. Il ne prend pas beaucoup de place et fait bien l’affaire dans pas mal de situations. C’est un verre qui est souvent utilisé lors de rassemblements (salons, masterclass, concours,…)
Le noising glass copita.
Surtout utilisé dans l’univers du whisky.
Si vous ne possédez pas pas l’un de ces verres, un verre à vin classique fera l’affaire dans un premier temps.
Cet article se veut pragmatique et bien évidemment, il existe de nombreux verres qui rempliront aussi bien ou mieux la mission, mais après c’est plus cher, plus technique…C’est pour les experts! Selon le rhum que vous allez déguster, blanc ou vieux, réduit ou full proof, d’Amérique Latine ou de Jamaïque, un bon verre vous permettra d’exprimer au mieux le caractère et la typicité de votre rhum…
Sur le choix du verre on pourrait aller beaucoup plus loin, mais le but n’est pas de faire de vous un expert. Déjà, car je n’en suis pas un moi même, mais également car cet article à pour simple but de rendre la dégustation accessible à tous!
La troisième étape, consiste à apprécier visuellement la texture et la couleur du rhum.
La couleur et la texture du rhum peuvent nous en dire long sur le spiritueux. Concernant la texture, il s’agit de déposer un peu du liquide sur les parois du verre et d’observer ce que l’on appelle les jambes ou les larmes. Plus elles seront lentes à redescendre dans le verre, plus le rhum laissera présager d’un forte teneur en alcool et plus ces larmes sont épaisses, plus le rhum laissera présager d’un corps gras chargé en congénère (esters, TNA, arômes quoi!)
La couleur du rhum vous donne une indication sur sa relation avec le fût pendant son séjour. Plus le rhum passe de temps à l’intérieur du fût, plus il a de chance d’avoir une teinte foncée, tirant sur l’acajou, l’ambré ou encore le brun. Moins il y passe de temps et plus il tirera vers le paille, le doré ou le miel. Attention, cette seule information ne suffit pas comme élément de réponse. La couleur dépend également du type de fûts utilisés, de la chauffe du fût, du lieu de vieillissement, de sa part des anges. Cela dépend également s’il y a eu ouillage ou non… Bref, beaucoup de choses sont à prendre en compte. Mais si vous possédez les informations qui vont avec le rhum alors sa couleur et sa texture vous en diront beaucoup sur la suite de la dégustation!
Toujours pour duper ou rassurer le consommateur, certaines distilleries ou embouteilleurs indépendants, rajoutent du caramel ou autres substances colorantes, ce qui fausse totalement le jeu.
Alors l’étape visuelle n’est à mon sens intéressante que si le rhum ne contient aucun ajout! Pas d’ajout de caramel, de sucre, de glycérol ou de copeaux de bois pour accélérer le processus de coloration ou modifier la texture du rhum.
La quatrième étape est olfactive.
Il s’agit dans cette étape d’apprécier la puissance alcoolique et aromatique du liquide. Retrouver les arômes prédominants en faisant appel à votre mémoire olfactive. C’est pour ma part l’une des étapes la plus excitante et la plus marrante de la dégustation. En effet, je m’amuse beaucoup sur cette étape. Elle demande de la connaissance technique et de l’expérience. Beaucoup de personnes redoutent cette phase, je pense, par manque de préparation.
Je vais vous donner quelques conseils très très simples pour appréhender au mieux cette étape.
1-Ne remplissez pas votre verre! 2 à 3cl suffisent lar-ge-ment!!!
2-Tapissez l’ensemble des parois internes de votre verre avec le liquide.
3-Laissez reposer votre rhum quelques minutes avant de commencer. Cela va permettre au rhum de prendre sa place dans le verre et de se structurer.
4- Prenez votre temps et portez votre verre au nez à plusieurs reprises, à des distances différentes, d’une narine à l’autre. Concentrez vous et faites appel à votre mémoire olfactive. Toute notre vie, tous les jours nous emmagasinons des milliers d’odeurs. Ces odeurs nous les stockons et dans cet exercice, le but du jeu est de les retrouver… Pour faciliter l’exercice ces arômes sont classés par famille. Alors, avant de dire il y a des odeurs de miel, de lavande, de l’ananas victoria flambé au sucre roux de la Réunion aromatisé à la vanille de Madagascar ou encore un bouquet d’épices: piment d’Espelette, thym romarin… Concentrez vous sur les familles qui prédominent. Fruité, floral, épicé, boisé,etc… Puis dans un second temps, recherchez à quoi ces arômes vous renvoie. Est-ce-que ce côté fruité qui vous pète au nez vous renvoie plus vers les fruits rouges (la fraise, la framboise…) ou vers les fruits tropicaux (mangue, papaye, ananas…)? Et après vous pouvez encore pousser plus loin. Cette odeur de mangue faisait référence à une mangue bien mûre ou au contraire une jeune mangue encore verte?
5-Step by step! Étape après étape! Un arôme après l’autre.
6- Entrainez-vous! Sentez tout et mémorisez ces odeurs. La mémoire olfactive se travaille et se développe. Alors sentez! Sentez votre café, votre pain au chocolat du matin. Sentez la nature qui vous entoure, les roses du jardin, le muguet du mois de mai, les aromates du potager. Sentez ces épices qui vous servent dans votre cuisine au quotidien, sentez ces odeurs de bois lors de vos balades en forêt…Musclez votre mémoire!
Contrairement au vin, le rhum n’a pas besoin d’être oxygéné par l’agitation du verre pour s’ouvrir et libérer ses arômes. Lors d’une dégustation de vin, on fait tourner son verre, pour permettre une oxygénation du vin en douceur et lui permettre de s’ouvrir. Pour le rhum, le simple fait de déposer le liquide sur les parois du verre suffit.
La cinquième étape est gustative.
Comme dirait JoeyStarr: soif soif soif soif soif…lol
C’est bien évidemment l’étape que tout le monde attend lors d’une dégustation. Mettre en contact le rhum avec nos papilles. Même si tous nos sens ont de l’importance, le goût est pour beaucoup le petit chouchou.
La première chose à faire durant cette étape est d’apprécier la texture du rhum, sec ou moelleux, charpenté ou huileux, doux ou puissant…
Ensuite, il s’agit de confirmer ou confronter le nez. La bouche suit-elle la direction du nez? Y a t’il une continuité dans cette découverte aromatique? est-il équilibré?
Puis, vient le moment où l’on entre dans les détails de cette phase organoleptique (def: qui affecte les organes des sens). Quelles familles, quels arômes retrouvons nous en bouche?
Je vais également vous donner quelques conseils pour appréhender au mieux cette étape.
Prenez une petite quantité de rhum et faites le tourner dans votre bouche, afin que l’ensemble de vos capteurs soient sollicités. Si les récepteurs situés au bout de la langue sont sensibles au sucré, ceux du fond le sont eux, à l’amertume et sur les côtés à l’acidité et au salé. Enfin…c’est une généralité, car il a été prouvé que nous avons des capteurs de toutes les sensations (amer, sucré, salé, acidité) sur toute la langue, mais certains plus concentrés sur certaines zones. Mais là on va trop loin pour moi!
La sixième et dernière étape consiste à apprécier la finale et la longueur en bouche.
Quelles sont les dernières impressions que le rhum vous laisse en fin de bouche. Une amertume ou un boisé plutôt prononcé, des notes fruitées? Ces marqueurs sont-ils dans la continuité du nez et de la bouche? Sont-ils différents? Marquent-ils vos papilles et votre palais pendant de longues minutes? Y a t-il une évolution? Cette finale prolonge t’elle cet instant de bonheur ou au contraire vient-elle tout casser? Ce sont autant de questions qu’il faudra vous poser le moment venu.
Et après?
Ben recommencez!
Conseils :
Prenez des notes de votre expérience. Il existe plusieurs types de fiches de dégustation mais à ma connaissance, il n’y en a que deux spécialement structurées pour la dégustation de rhum. Il s’agit de la fiche de dégustation Excellence Tasting by Excellence rhum et celle que l’on retrouve à la fin du guide hachette du rhum. Toutes les autres fiches que j’ai pu trouver sur le net sont à la base dédiées au whisky, au vin mais pas au rhum. Elles ne sont pas complètes mais très efficaces. Ma préférence va tout de même à celle d’Excellence Tasting.
J'ai créé ma propre fiche de dégustation, que je partagerai probablement prochainement.
Vous pouvez également suivre le schéma que les blogueurs utilisent pour partager leur propre expérience.
Partagez vos notes de dégustation sur les réseaux sociaux. En partageant, vous vous exposez. De ce fait vous vous appliquerez à ce que votre retour soit clair et structuré pour le lecteur. Vous susciterez également des réactions qui aboutiront à des échanges, qui vous permettront d’obtenir des informations sur le rhum dégusté, de confronter les différentes expériences. C’est pour moi le but de l’échange sur une dégustation. Soit conforter ou confronter notre propre expérience. Ne cherchez pas à retrouver exactement la même chose que le copain. Car selon le lieu, le moment, l’environnement, le verre, l’expérience de chacun… les retours ne seront pas les mêmes. Cela dépendra de l’expérience et de la sensibilité de chacun.
Après si vous arrivez à retrouver une prédominance de notes d’hydrocarbure, de vernis ou de colle sur un rhum agricole…. Mouchez vous un bon coup et recommencez l’expérience.
Je pense également après avoir fait de nombreuses dégustations, que l’on retrouve quasiment toutes les familles d’arômes dans quasiment tous les rhums et que c’est le travail de fermentation, de distillation et du maitre de chai (blend, choix et travail du fût, nombre de temps en vieillissement…) qui accentueront la présence de certains arômes.
Dernier conseil. Prenez du plaisir! Laissez-vous bercer, transporter, par l’histoire que le rhum a à vous raconter.
Peace!
Comments