J’ai fait connaissance avec les rhums jamaïcains, un soir de juin 2017, à la table du loup, lors d’une soirée de dégustation de jus en provenance exclusive de l’île. J’ai pu y découvrir entre autre, un rhum de la distillerie Hampden de 1992, embouteillé par Samaroli.
Comment…la Martinique et la Guadeloupe ne seraient pas les seuls à produire des rhums d’exceptions? Mon amour pour les Rhums jamaïcains était né!
Par la suite, je fus également séduit par le Hampden H embouteillé par L.Gargano, le 21 ans d'Appleton Estate et d’une manière générale, les blancs Jamaïcains pour la réalisation de cocktails!
Aujourd’hui, je consacre quasiment une dégustation sur 5, à la recherche de la pépite jamaïcaine qui me fera voyager en une simple gorgée.
Je ne vais pas vous refaire l’histoire des rhums jamaïcains ou des distilleries de l’île, mais avant de passer à la dégustation, il est tout de même important de revenir sur quelques points qui rendent cette dégustation intéressante.
Les distilleries encore en activité au pays du reggae sont:
Hampden, Long Pond, Wray & Nephew / Appleton, Worty Park Estate, Clarendon (aussi connue sous le nom de Monymusk) et New Yarmouth qui produit pour le compte de Wray & Nephew / Appleton.
Initialement, les rhums jamaïcains étaient en grande partie destinés à la vente en vrac pour les embouteilleurs indépendants. Les distilleries ne se sont mises à embouteiller leur rhum sous leur propre marque que très récemment.
Bien que les distilleries jamaïcaines soient capables de produire des rhums légers, c'est-à-dire avec une teneur en substance volatile faible, ce sont bel et bien les rhums lourds qui donnent cette identité et ce caractère au nectar. Pour obtenir ces rhums lourds et complexes, la fermentation peut durer jusqu’à plusieurs semaines!
Pour faciliter la vente aux Brokers et Embouteilleurs Indépendants, les rhums sont classés selon leur intensité et leur profil aromatique. On appelle cela les « marks ».
Chaque distillerie possède ses propres « marks ».
Le nombre d’esters, qu’on appelle aussi TNA (Taux de Non Alcool) contenus dans chaque « Marks » est exprimé en gramme par hectolitre d’alcool pur.
Chez Long Pond ça ressemble à ça:
CRV = entre 0 et 20
CQV = entre 20 et 50
LRM = entre 50 et 90
ITP/LSO = entre 90 et 120
HJC/LIB = entre 12 et 150
IRW/VRW = entre 150 et 250
HHHS/OCLP = entre 250 et 400
LPS = entre 400 et 550
STC^E = entre 550 et 700
TECA = entre 1200 et 1300
TECB = entre 1300 et 1400
TECC = entre 1500 et 1600
En 2018, Luca Gargano à la tête de la maison d’importation italienne Vélier, a eu la bonne idée de sélectionner et distribuer 4 rhums de 4 marks différents en provenance de la distillerie Long Pond!
Lors du Whisky Live Paris 2018, j’ai eu l’opportunité d’en goûter 2 sur les 4.
Le Vale Royal 12 ans 2006 VRW à 62,5%vol et le Cambridge 13 ans 2005 STC^E à 62,5%vol. Ces 2 références rendent hommage à d’anciennes distilleries de l ‘île, la première fermée depuis 1959 et la deuxième 1947.
La dégustation de ces 2 monstres en fin de salon ne m’aura pas transcendé, bien au contraire. J’en suis donc ressorti avec l’idée de retenter l’expérience au calme à la maison et pourquoi pas sur les 4 références.
Me voici donc accompagné d’un ami, Loïc Bauchet, pour cette dégustation. Bien que chaque dégustation soit unique et les ressentis propre à chacun, nous nous sommes retrouvés sur pas mal de points. Et après avoir accepté de participer à l’article, ce sont ses notes de dégustation qui en rythmeront la fin.
VALE ROYAL 12 ANS 2006 VRW 62,5% -70 CL- PVC 133€
En reprenant les informations que l’on retrouve sur la bouteille, on y apprend que c’est un Pur Single Rum, c'est-à-dire un rhum de mélasse issu d’une seule distillerie, et distillé de manière discontinue, à partir d’alambic traditionnel.
Distillé en 2006, dans un pot still à double retort, il a vieilli 12 années sous les tropiques.
3 412 bouteilles ont été produites à partir des 11 fûts VRW sélectionnés. Comme je vous le disais plus haut, la marque VRW fait référence au taux d’esters que contient le rhum.
L’indication « Wedderburn » désigne un style de rhum jamaïcain. Un rhum plutôt lourd dont le taux d’Esters se situe entre 200 et 300 grammes/ HLAP.
Note de dégustation L.B:
Or doré telle est la couleur de ce Vale Royal 2006, comme un soleil jamaïcain. Il est très limpide et ses jambes sont extrêmement lentes, le corps de ce rhum semble très gras… De bon augure! Avec un nez complexe et expressif, il est porté sur des notes de poire, de réglisse et même de cuir. Du poivre lui apporte un côté piquant lorsque l’on s’y attarde trop longtemps. Les marqueurs de solvant et de vernis se faufilent entre ces arômes sans les bousculer. Avec l’aération, une légère note cacaotée apparaît…Déroutant ! Ce nez est magnifique ! En bouche, c’est astringent, piquant et même assez sec. La bouche est très structurée avec du cuir qui côtoie le vernis, la réglisse et une belle dose d’amertume de type agrume, telle une peau de clémentine fraichement épluchée. Il y a un contraste nez/bouche très intéressant malgré un bon nombre de marqueurs communs. La finale est longue et légère. Un côté salin vient sublimer cette pointe d’amertume. Ce Vale Royal 2006 est pour moi clairement une réussite, le meilleur des 4…???
CAMBRIDGE 13ANS 2005 STC^E 62,5% - 70CL - PVC 153€
Nous sommes toujours sur un Pur Single Rum, distillé en 2005 dans un pot still à double retort. Il a vieilli pendant 13 ans sous les tropiques. 3 648 bouteilles ont été produites à partir des 11 fûts STC^E sélectionnés. La marque STC^E fait également référence au taux d’esters que contient le rhum. L’indication « Continental Flavoured » désigne un style de rhum jamaïcain. Un rhum très lourd dont le taux d’Esters se situe entre 700 et 1600 grammes/ HLAP.
Note de dégustation L.B:
La couleur de ce Cambridge 2005 est tel un vieil or. Limpides et denses, les larmes y sont extrêmement lentes et fines, on sent déjà que l’on va avoir affaire à un rhum chargé ! Au nez, il dégage une puissance rustique voire même bestiale. Le dissolvant y est très présent avec une touche très agréable de cuir et de raisin de type vineux. L’aération lui confère des notes boisées de pin et des notes fumées assez marquées sur le cigare. La bouche est très asséchante et rugueuse avec une acidité et sucrosité assez prononcée. Elle est plus simple et moins rustique que le nez, les fruits exotiques et le raisin se mélangent au poivre gris fraichement moulu. La finale est longue et très plaisante. Ce Cambridge se calme réellement au fil de la dégustation. C’est un rhum très expressif, un très beau/bon jamaïcain à mon sens.
LONG POND 15 ANS 2003 TECA 63% - 70CL - PVC 171€
Pur Single Rum, distillé en 2003 dans un pot still à double retort. Il a vieilli pendant 15 ans sous les tropiques. 2 484 bouteilles ont été produites à partir des 9 fûts TECA sélectionnés. La marque TECA fait référence au taux d’esters que contient le rhum. L’indication « Continental Flavoured » désigne un style de rhum jamaïcain. Un rhum très lourd dont le taux d’Esters se situe entre 700 et 1600 grammes/ HLAP.
Note de dégustation L.B:
D’une couleur miel, la texture est à la fois limpide et fluide. Ce Long Pond 2003 possède un nez très expressif et rustique. L’alcool y est très intense. Au nez, de la prune, de la poire, où l’ensemble rappelle une eau-de-vie. Des notes de champignons, de peinture et de piments m’emmènent dans une atmosphère de chantier où, toute odeur devient puissante et à la fois particulière. La bouche est piquante et acide avec une forte astringence sur la fin. Le vernis et le gasoil se mélangent à une sucrosité difficile à définir, mais l’ensemble est très agréable. La finale est très longue, sur de l'amende amère et un léger menthol en toute fin. Ce Long Pond 2003 est très particulier et ne plaira pas à tous, mais fera probablement partie des tops jamaïcains.
LONG POND 11 ANS 2007 TECC 62,5% -70CL- PVC 148€
Pur Single Rum, distillé en 2007 dans un pot still à double retort. Ce Long Pond est le plus jeune des 4. Il aura tout de même vieilli pendant 11 ans sous les tropiques. 3 325 bouteilles ont été produites à partir des 11 fûts TECC sélectionnés. La marque TECC fait référence au taux d’esters que contient le rhum, soit entre 1500 et 1600 ou 1700, nous reviendrons sur ce point en fin d’article.
Note de dégustation L.B:
Ce Long Pond 2007 d’une couleur ambre, voire mielleuse, est d’une grande fluidité et limpidité. Le nez est très fin et subtil. Il nous emmène dans un sous-bois léger où le champignon y est très présent. On décèle aussi quelques notes de pomme et de solvant. De légères notes de chais me ramènent façon flashback dans les chais de l’habitation Clément (Problème de géographie avec la Jamaïque…). En bouche…Waouh !!! C’est astringent, piquant, la langue est pétillante, me rappelant un bonbon de mon enfance. La banane est bien là avec des notes pimentées et un léger bois type pin. Le contraste nez/bouche est saisissant ! En dégustation à l’aveugle le nez et la bouche passeraient sans problème pour 2 rhums différents. La finale est longue sur des notes de bouquet aromatique composé de thym et de laurier, s’orientant vers une fin de bouche légère et longue d’un bonbon des Vosges. Pour moi ce Long Pond 2007 est très déroutant mais très agréable à déguster.
Nous arrivons à la fin de l’article et je voudrais revenir sur les styles de rhums jamaïcains (que l’on peut voir comme des familles, propres à la Jamaïque) et les marks (que l’on peut voir comme des sous-familles propres aux distilleries jamaïcaines).
Selon les informations que j’ai pu me procurer et celles que nous avons sur les bouteilles, le nombre d’esters ne correspond pas. Selon les informations que nous avons dans un document de 1947 (ci-après), le style « Flavoured » serait compris entre 700 et 1600 esters et selon le tableau des marks Long Pond que j’ai pu trouver, TECC contiendrait entre 1500 et 1600 esters. Or, selon les informations que nous avons sur la bouteille, TECC en contiendrait entre 1500 et 1700. D’où mon interrogation. En soi rien de bien grave, mais je tenais tout de même à le souligner…Peut-être qu’un lecteur avisé pourra nous éclairer sur ce point.
Peace!
Comments